Une analyse nutritionnelle du Prey Model

Qu’est-ce que le Prey Model ?

Méthode très populaire d’alimentation maison chez les propriétaires de chiens et chats, le Prey Model fait partie des méthodes de « cru ratio », des alimentations basées sur des pourcentages de catégories d’ingrédients avec pour but de reproduire le régime alimentaire naturel d’un chien ou d’un chat sauvage.

Le modèle le plus populaire en France est réparti comme ceci : 45% d’os charnus, 45% de viande musculaire, 5% de foie et 5% d’un autre abat filtrant, avec un ajout de poisson correspondant à une ration complète par semaine (qui peut être répartie sur les jours de la semaine) et des œufs à raison d’un œuf par tranche de 10kg de poids de l’animal par semaine.

 Généralement, le prey model décourage l’inclusion de végétaux et de compléments alimentaires dans la ration.

La quantité à donner est déterminée dans cette méthode selon un pourcentage de poids de l’animal (en général 2,5% du poids de l’animal pour un chien et 3% pour un chat) et non selon les calories des aliments donnés.

D’après les adeptes de cette méthode, l’équilibre alimentaire se ferait grâce à la variété des ingrédients, il suffirait donc de varier les viandes, poissons et abats donnés pour que le chien et le chat aient tous les nutriments dont ils ont besoin en quantité suffisante.


Mais est-ce vraiment le cas ? Analysons ensemble des exemples de gamelles prey model en les comparant aux besoins nutritionnels[1] de l’animal ciblé.

Pour Rex, chien de 20kg modérément actif nourri à raison de 2,5% de son poids, cela nous donnerait une ration journalière de 500g, répartie comme ceci :

 
 
  • 154g de viande musculaire

  • 225g d’os charnus

  • 71g de poisson (500g par semaine, divisé par 7 et déduit de la viande musculaire)

  • 25g de foie

  • 25g d’un autre abat

  • + 2 oeufs par semaine ( 1 oeuf par semaine par tranche de 10kg)

 

Pour cette première analyse j’ai décidé de garder les choses simples, avec des ingrédients couramment utilisés, notre hypothétique gamelle Prey Model est composée de :

 
  • 154g de boeuf maigre type bourguignon

  • 225g de cuisse de poulet avec os et peau

  • 71g de sardine

  • 25g de foie de dinde

  • 25g de rognons de porc

 

Analyse nutritionnelle

Le cru ratio apportant presque toujours assez d’acides aminés et d’acides gras essentiels, ils ne sont pas sur ce tableau pour des raisons de simplification.

* le besoin en vitamine E noté ici ne tient pas compte des acides gras polyinsaturés présents dans la nourriture, il est en réalité plus élevé.

Profils nutritionnels des ingrédients tirés des tables de compositions nutritionnelle des aliments USDA [2] et Ciqual [3]

Points positifs :

  • La recette couvre 89% du besoin énergétique estimé de Rex, laissant environ 100kcal pour des friandises

  • Les besoins en acides aminés essentiels sont couverts

  • Les besoins en acides gras essentiels sont couverts

  • Le ratio Omega 6 : Omega 3 est correct bien qu’un peu haut à environ 8:1

  • Le ratio Ca : P est acceptable bien qu’un peu bas à 1,15:1

  • Côté macrominéraux, cette recette apporte assez de calcium, phosphore, potassium et sodium

  • Côté microminéraux, cette recette apporte assez de fer et de sélénium

  • Du côté des vitamines liposolubles, cette recette apporte assez de vitamine A, et la vitamine K étant synthétisée dans les intestins des chiens en bonne santé celle-ci est probablement suffisante également

  • Du côté des vitamines hydrosolubles, les besoins en B2, B3, B5, B6, B9 et B12 sont couverts, avec une réserve sur l’apport en B2 qui est un peu trop marginal

Points négatifs :

  • Côté macrominéraux, cette recette n’apporte pas assez de magnésium, en ne couvrant que 69% des besoins

  • Côté microminéraux, cette recette n’apporte pas assez de zinc, cuivre, manganèse et iode, en ne couvrant que 77% du besoin en zinc (malgré que la viande soit du boeuf maigre riche en zinc), 37% du besoin en cuivre, et moins de 14% du besoin en manganèse. Côté iode, c’est là aussi insuffisant malgré l’apport de poisson puisque la ration ne couvre qu’environ 27% du besoin.

  • Du côté des vitamines liposolubles, cette ration n’apporte pas assez de vitamine D3 (73% du besoin couvert), ni de vitamine E avec seulement 18,5% du besoin métabolique couvert, en sachant que le besoin du chien pour cette vitamine a besoin d’être revu à la hausse pour prendre en compte les acides gras polyinsaturés présents dans la ration.

  • Du côté des vitamines hydrosolubles, l’apport en vitamine B1 est insuffisant (et la sardine crue contenant de la thiaminase ce manque sera exacerbé ici), tout comme l’apport en B2 qui est marginal. La teneur en choline de tous les ingrédients choisis n’étant pas connue, et celle-ci étant en partie synthétisée par l’organisme, elle est probablement suffisante ici malgré une teneur insuffisante sur le papier.

  • Cette recette ne contient aucunes fibres solubles et insolubles, qui aident à mouler les selles, à permettre une bonne motilité intestinale et une source d’énergie pour la flore intestinale (prébiotiques).

En bref :

La ration analysée ci-dessus manque de magnésium, de zinc, de cuivre, de manganèse et d’iode, ainsi que de vitamine D3, de vitamine E et de vitamine B1.

 

Et la variété dans tout ça ? Est-ce que varier les recettes peut combler ces manques ?

Cette recette ne représente pas l’étendue d’une alimentation crue type Prey Model, car il manque ici la variété des ingrédients censée équilibrer l’alimentation. Analysons donc une semaine de cette alimentation en variant au maximum les ingrédients donnés. Le besoin nutritionnel sera multiplié par 7 ainsi que les quantités données, mais nous respecterons toujours les ratios présentés plus haut, en ajoutant les 2 oeufs préconisés.

Il nous faudra donc, pour une semaine :

 
 
  • 1078g de viande musculaire (154g x 7)

  • 1575g d’os charnus (225g x 7)

  • 500g de poisson

  • 175g de foie (25g x 7)

  • 175g d’autres abats (25g x 7)

  • 2 oeufs

 

Que l’on va répartir comme ceci :

Viande :

154g chacun de

  • boeuf maigre

  • porc maigre

  • cerf

  • cheval

  • filet de dinde

  • filet de poulet

  • canard sans peau

Os charnus :

225g chacun de

  • cuisse de poulet

  • cou de poulet

  • cou de canard

  • caille vidée

  • côtes d’agneau

  • queue de porc

  • avant de lapin

Foie :

25g chacun de

  • dinde

  • boeuf

  • agneau

  • cheval

  • poulet

  • lapin

  • porc

Autres abats :

35g chacun de

  • rognons de boeuf

  • rognons d’agneau

  • cervelle de veau

  • pancréas de porc

  • rate de porc

Poisson :

125g chacun de

  • sardine

  • maquereau atlantique

  • hareng

  • sprat

Oeufs :

environ 50g chacun

  • 2 oeufs de poule entiers sans coquille

Analyse nutritionnelle

Le cru ratio apportant presque toujours assez d’acides aminés et d’acides gras essentiels, ils ne sont pas sur ce tableau pour des raisons de simplification

* le besoin en vitamine E noté ici ne tient pas compte des acides gras polyinsaturés présents dans la nourriture, il est en réalité plus élevé.

Profils nutritionnels des ingrédients tirés des tables de compositions nutritionnelle des aliments USDA [2] et Ciqual [3]

Comparaison avec la précédente recette

  • La recette couvre 92% du besoin énergétique estimé de Rex, ce qui est similaire à la précédente recette

  • Les besoins en acides aminés essentiels sont couverts comme précédemment

  • Les besoins en acides gras essentiels sont couverts aussi

  • Le ratio Omega 6 : Omega 3 est un peu bas à 2:1

  • Le ratio Ca : P est acceptable à 1,4:1

  • Le magnésium n’est toujours pas apporté en quantité suffisante (74% du besoin couvert)

  • Le zinc est toujours insuffisant et est pire qu’avant (59% contre 77% avant) car les viandes utilisées pour varier du boeuf sont moins riches en zinc

  • Le cuivre est insuffisant également mais est lui mieux qu’avant (78% contre 35% précédemment) grâce à l’inclusion du foie de boeuf et d’agneau qui sont riches en cuivre

  • Le manganèse est toujours aussi insuffisant (13% maintenant contre 14% avant), la viande et les abats n’étant juste pas une bonne source de manganèse

  • L’apport en sélénium a souffert de la variété (couvert à 101% du besoin contre 146% auparavant), l’apport principal en sélénium étant assuré par les rognons

  • La teneur en iode de la plupart des morceaux utilisés étant inconnue, je ne l’ai pas inclus dans le tableau, mais on peut estimer qu’ici aussi l’iode apporté par la ration couvrirait 20 à 30% des besoins du chien

  • La vitamine B1 est remontée comparé à avant grâce à l’inclusion du porc, mais n’est toujours pas nécessairement assez élevée pour compenser la thiaminase contenue dans les harengs et les sardines donnés

  • L’apport en vitamine B2 est quant à lui passé de marginal (101%) à insuffisant (82%)

  • La vitamine D3 est maintenant suffisante (196% comparé à 73%)

  • Le besoin en vitamine E n’est toujours pas couvert

En conclusion :

Varier les ingrédients ne permet pas de combler les lacunes de l’alimentation Prey Model pour les chiens, à savoir des apports insuffisants ou marginaux en :

  • Magnésium

  • Zinc

  • Manganèse

  • Cuivre (selon les foies utilisés)

  • Iode

  • Vitamine E

  • Vitamines du groupe B, surtout la B1 et B2

  • Vitamine D3 (selon les poissons utilisé)

Une approche nutritionnelle de la nourriture maison telle que le cru NRC permet de prendre en compte les nutriments présents dans les ingrédients afin de formuler des recettes équilibrées incluant des aliments ciblés pour “combler les trous” (moules pour le manganèse par exemple, ou foie de ruminant pour le cuivre), pouvant toujours inclure de la variété mais une variété qui soit contrôlée et qui ne sacrifie pas pour autant l’équilibre nutritionnelle de la ration.

 Sources :

[1]         National Research Council (U.S.), editor. Nutrient requirements of dogs and cats. Rev. ed. Washington, D.C: National Academies Press; 2006.

[2] Food Data Central, USDA

[3] CIqual, table de composition nutritionnelle des aliments

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